Doug Hall
Landscapes and Leisurescapes
2002.06.13 - 08.18
ANNA NOVAKOV
Cette exposition des tirages photographiques de Doug Hall est dominée par des paysages urbains et ludiques de grand format, méticuleusement exécutés. Les vues en plongée, aux couleurs exubérantes, de sites aussi variés que Hanoi, Hong Kong, Tokyo ou Rome – scènes de foule ou paysages –, la grande échelle et le piqué de ces images font pénétrer le spectateur au cœur de ces imposants dioramas contemporains, auquel ils procurent un plaisir sans risque. À bien des égards, le travail de Doug Hall se réfère à des photographes du 19e siècle; ces images d’un monde éphémère capté par l’objectif photographique restituent une partie de la fraîcheur et de la spontanéité de l’original. Elles évoquent également la position de nomade du touriste dans la société contemporaine, position favorisée par la rapidité des transports aériens. L’échelle de ces photographies ainsi que leurs cadres noirs minimalistes font que l’on a l’impression de regarder par une fenêtre, laquelle, en tant que dispositif, autorise l’accès visuel à la scène, tout en établissant un autre niveau de signification. Car, en dépit de leur échelle, les images apparaissent comme des miniatures. Un grand nombre de personnages minuscules occupent divers espaces publics – places, piscines ou marchés… De l’autre côté du miroir, le géant-spectateur regarde et analyse ce qui est cadré par l’objectif. Dans les Voyages de Gulliver, Jonathan Swift a traité le thème du géant imaginaire. L’échelle y joue un rôle essentiel car elle détermine les rapports de puissance. Swift décrit ansi l’empreur de Lilliput : « Il dépasse d’environ la largeur de mon pouce les autres membres de sa Cour, ce qui suffit à frapper de stupeur les assistants. » La miniature s’apparente également aux maquettes et modèles réduits. Un exemple classique en est la photographie de l’architecte Mies van der Rohe penché au-dessus de la maquette de la Farnsworth House qu’il avait dessinée et construite à Plano (Illinois). Dans cette photographie, Mies, Gulliver moderne en visite à Lilliput, examine avec curiosité Edith Farnsworth, prisonnière de la minuscule maison de verre.
Pour Hall, le touriste représente un voyageur spécifique. Il n’est ni un vagabond, ni un nomade, ni un flâneur curieux de tout. En d’autres termes, il n’est pas un personnage romanesque mais, au contraire, un individu méthodique, qui se contente de suivre des itinéraires prescrits pendant une période limitée, en cochant une liste de sites trouvée dans un guide. Il suit un chemin que des inconnus ont frayé à son intention. Le touriste, en dépit de son comportement extérieur dynamique, est passif et satisfait de soi. Sa propension à respecter les règles en fait une figure souvent décriée. Parallèlement, l’œuvre de Hall démontre que c’est la nature de l’« encadrement » visuel qui distingue le touriste de l’artiste, ou le vagabond de l’écrivain. Pour beaucoup d’entre nous, le cadre est une sorte de prothèse dont nous ne pouvons nous passer. Parfois, le cadre est imposé par la télévision ou le cinéma; parfois, il a pour origine des expériences personnelles, des souvenirs d’enfance. Dans l’un comme dans l’autre cas, le cadre détermine l’image et non l’inverse. (Traduit par Frank Straschitz)
Texte reproduit avec l’aimable permission de l’auteur et de Artpress, n° 267, avril 2001, p. 69-70.