VOX — Centre de l’image contemporaine

Eadweard Muybridge (1830-1904), _Animal Locomotion_, 1887, phototype, Planche 578, 47,9 x 60,4 cm. Avec l’aimable permission de la Collection du Musée d’art de Joliette, Don de Jack Greenwald.
Crédits

Henrik Håkansson et Eadweard J. Muybridge

2006.05.06 - 06.17

La vitesse ravit au regard toute possibilité de scruter le mouvement dans ses états successifs, d’observer un comportement dans ses particularités ou d’analyser la cinématique des corps ou des choses. Or, c’est bien connu, l’invention de la photographie a introduit un nouveau paradigme épistémologique qui a permis de réaliser un arrêt sur les images du monde. Ainsi, à l’ère industrielle, au moment où tout s’accélère, on invente paradoxalement la vision de la lenteur si essentielle à l’étude scientifique. C’est à une telle expérience que nous convient les photographies d’Eadweard J. Muybridge et les vidéos d’Henrik Håkansson. Leurs images captivent l’attention et offrent une vision inattendue du temps et du mouvement.

Poussé par le motif de démontrer qu’un cheval au galop n’a par moments aucun appui au sol, Eadweard J. Muybridge élabore entre 1877 et 1879, avec l’aide d’ingénieurs, un poste de prise de vues multiples qui permet de disséquer le mouvement du cheval. Il invente la chronophotographie qui dissocie et fige les poses successives et offre ainsi un nouvel outil pour étudier la locomotion humaine et animale. Titulaire d’un poste à l’université de Pennsylvanie à Philadelphie à partir de 1884, Muybridge y réalise des milliers de clichés d’humains et d’animaux en utilisant des appareils à déclenchement successif placés en ligne. Les mouvements ainsi captés sont minimes, parfois difficilement perceptibles, ce qui perturbe la logique temporelle des actions qui s’y déroulent. Les douze planches réunies ici – prêtées par le Musée d’art de Joliette – sont tirées de cette vaste entreprise intitulée Animal Locomotion.

L’avènement de la photographie, du cinéma puis de la vidéo a indéniablement transformé la manière d’observer le monde naturel. Avant l’invention des dispositifs de captation et d’amplification technologiques, la nature s’observait directement, en temps réel. Aujourd’hui, l’image et l’enregistrement sonore s’interposent résolument dans nos rapports au monde. L’observation de la nature et les processus de médiation sont au cœur du projet artistique d’Henrik Håkansson. L’artiste suédois utilise la méthodologie du documentaire scientifique – point de vue statique, gros plan, image ralentie, absence d’interférences humaines – pour étendre dans le temps et l’espace une expérience sonore et visuelle du monde animal. Ces fascinants spectacles nous rappellent cependant la distance qui nous en sépare.