Road Runners

Ant Farm, World’s Longest Bridge (image fixe), 1970, film transféré sur DVD, 24 min. Avec l’aimable permission de Chip Lord.

Robert Barry, Psychic Series, 1969, intervention réalisée dans le catalogue conceptuel publié par Seth Siegelaub et intitulé Carl Andre, Robert Barry, Daniel Buren, Jan Dibbets, Douglas Huebler, Joseph Kosuth, Sol LeWitt, Richard Long, N.E. Thing Co. Ltd, Robert Smithson, Lawrence Weiner, Juillet, Août, Septembre 1969, édition à compte d’auteur, New York, 27,7 x 21,2 cm. Avec l’aimable permission de la galerie Yvon Lambert, New York.

 

 

 

Michel de Broin, L’épreuve du danger de la série Matière dangereuse, 1999, épreuve à la gélatine argentique,
61 x 61 cm. Avec l’aimable permission de la galerie Donald Brown, Montréal.

Chris Burden, B-Car (détail), 1977, Los Angeles, Choke Publications. Avec l’aimable permission de la Joan Flasch Artist’s book collection, John M. Flaxman Library, School of the Art Institute of Chicago.

Hans-Peter Feldman, Pictures of car radios taken while good music was playing, détail, 2004, 5 épreuves couleur et argentiques, dimensions variables. Avec l’aimable permission de la 303 Gallery, New York.

Peter Gnass, Progression 3 temps (détail), 1977, 6 épreuves à la gélatine argentique sur carton, 24,1 x 179,1 cm. Avec l’aimable permission de l’artiste.

Rodney Graham, Halcion Sleep (image fixe), 1994, projection vidéo, 26 min. Avec l’aimable permission de l’artiste.

Abbas Kiarostami, Roads of Kiarostami (image fixe), 2006, DVD, 32 min. Avec l’aimable permission de l’artiste.

Margaret Lawther, de la série Autopia, 2005, épreuve couleur, 101,6 x 127 cm. Avec l’aimable permission de l’artiste.

John Massey, Daybreak, de la série This Land (The Photographs), 2008, épreuve numérique archive,
87,6 x 107,3 cm. Avec l’aimable permission de Georgia Scherman Projects, Toronto.

Simon Morris, The Royal Road to the Unconscious (image fixe), 2003, DVD. Avec l’aimable permission de l’artiste.

Iain Baxter&, Highway, Northern California, 1979, chromira print, 49,5 x 72,4 cm. Avec l’aimable permission de la Corkin Gallery, Toronto.

Edward Ruscha, Patrick Blackwell et Mason Williams, Royal Road Test (détail), Los Angeles, édition à compte d’auteur, 1967. Avec l’aimable permission d’Edward Ruscha et de la bibliothèque de l’Université McGill, Montréal.

John Sasaki, The Destination and the Journey (image fixe), 2007, HDV, 2 h 05 min. Avec l’aimable permission de l’artiste.

Roman Signer, Kayak (image fixe), 2000, DVD, 5 h 18 min. Avec l’aimable permission de Videoart.ch, Zofingen.

Stephen Shore, Chicago, Illinois July, 1972, 1972/2005, épreuve couleur, 12,7 x 19,1 cm. Avec l’aimable permission de la 303 Gallery, New York.

Kerry Tribe, Near Miss (image fixe), 2005, film 35 mm, couleur transféré sur DVD, 5 h 25 min., épreuve couleur, 160 x 130 cm et texte. Collection privée. Avec l’aimable permission de la 1301PE Gallery, Los Angeles.

Bill Vazan, Highway 37 (détail), 8 août 1970, 159 épreuves à la gélatine argentique et plan, dimensions variables. Avec l’aimable permission de l’artiste.

Jeff Wall, Landscape Manual (détail), 1969, édition à compte d’auteur, 28 x 21,5 cm. Avec l’aimable permission de la Scott Library, York University, Toronto.

Ian Wallace, Untitled, 1969-1970, 2 épreuves argentiques, 157,5 x 99,1 cm chacune. Avec l’aimable permission de la Catriona Jeffries Gallery, Vancouver.

Vue de l’exposition Road Runners, VOX, du 6 mars au 30 mai 2009.

Crédit : Michel Brunelle.

Vue de l’exposition Road Runners, VOX, du 6 mars au 30 mai 2009.

Crédit : Michel Brunelle.

Vue de l’exposition Road Runners, VOX, du 6 mars au 30 mai 2009.

Crédit : Michel Brunelle.

Vue de l’exposition Road Runners, Cinémathèque québécoise, Salle Norman-McLaren du 11 mars au 26 avril 2009

Crédit : Michel Brunelle.

Vue de l’exposition Road Runners, Cinémathèque québécoise, Salle Norman-McLaren du 11 mars au 26 avril 2009

Crédit : Michel Brunelle.
2009.03.06 - 05.30

Ant Farm, Robert Barry, Michel de Broin, Chris Burden, Hans-Peter Feldmann, Peter Gnass, Rodney Graham, Abbas Kiarostami, Margaret Lawther, John Massey, Simon Morris, Iain Baxter& N.E. Thing Co., Edward Ruscha, Jon Sasaki, Roman Signer, Stephen Shore, Kerry Tribe, Bill Vazan, Jeff Wall et Ian Wallace

Commissaire
Marie-Josée Jean

Vernissage le 5 mars 2009

La manifestation Road Runners présentée simultanément à VOX et à la salle Norman-McLaren de la Cinémathèque québécoise réunit des œuvres et des documents des années 1920 à aujourd’hui. Elle sera complétée par une programmation de films intitulée Sur les routes, expressément élaborée par les conservateurs de la Cinémathèque québécoise du 11 au 19 mars 2009.


Cinémathèque québécoise, Salle Norman-McLaren, du 11 mars au 26 avril 2009.

MARIE-JOSÉE JEAN

La route et l’automobile sont le sujet et l’objet d’œuvres littéraires, cinématographiques et artistiques significatives qui constituent le fondement d’un genre transdisciplinaire en évolution constante. Ce genre, désigné ici par le terme « Road Runner », se cristallise au cours des années 1950 et 1960 avec la parution du roman Sur la route de Jack Kerouac1, l’expérience esthétique faite par Tony Smith sur une autoroute2 et la sortie du film Easy Rider de Dennis Hopper3. Bien que le road runner soit caractérisé par des attitudes et des motifs variés, il n’en demeure pas moins que la route et l’automobile produisent, dans l’une ou l’autre de leurs formes, de nouveaux modes de représentation et de perception. Ainsi, pour Kerouac et Hopper, l’auto ou la moto assurent à leur héros une liberté et une mobilité totales alors que la route y figure le pavé des idéaux de leur génération. Pourtant, ces voyages initiatiques révèlent à leurs protagonistes que la liberté est encore loin puisque, ce qui compte, n’est pas tant d’arriver à une destination finale que de se déplacer constamment vers un lieu idéal. Kerouac comme Hopper partent d’une situation commune : l’errance d’individus qui choisissent de vivre d’expédients pour ainsi être confrontés à une conception nouvelle de la réalité. Mais si au cinéma et en littérature, le personnage est souvent déterminé par une quête identitaire qui donne lieu à un déplacement, à un besoin d’évasion, à un désir de voir et de révélation, l’artiste entreprend quant à lui une errance introspective, voire immobile.

Sur la route, le temps devient généralement secondaire et abstrait, produisant un état de flottement qui facilite le retrait dans l’espace mental. C’est un état particulièrement fécond pour permettre aux idées de prendre forme. Un état vraisemblablement recherché par Raymond Roussel qui est le premier écrivain à avoir littéralement travaillé on the road. Il conçoit en 1925 une roulotte pratique et luxueuse qu’il fait fabriquer en vue de satisfaire son besoin de mobilité. La voiture a ainsi représenté pour l’écrivain et pour plusieurs artistes un espace de production particulier d’où ils ont imaginé des œuvres significatives conduisant parfois à une nouvelle conception de l’art. Tel est le cas de Marcel Duchamp qui, ébloui par l’intensité des phares des voitures au moment d’un voyage sur la route Jura-Paris en 1912, aura l’idée de l’« enfant-phare » du XXe siècle : La Mariée mise à nu par ses célibataires, même. C’est à une aussi fulgurante redéfinition de l’art que Tony Smith est soumis lorsque, au début des années 1950, il emprunte l’autoroute du New Jersey en construction, sans signalétique ni éclairage. Il fait alors une expérience « non structurée » du paysage qu’il ne peut encadrer ou transformer en œuvre d’art puisqu’elle demeure à jamais immatérielle. Ces récits inaugurent un rapport à l’art dans lequel l’objet artistique est déconstruit au profit d’un nouveau paradigme où la dimension conceptuelle et l’événement vécu domineront.

Ce paradigme donnera lieu à de nombreuses œuvres, à partir de la fin des années 1960, dont la route détermine la structure alors que la voiture y représente un atelier ambulant d’où le conducteur observe le monde qui défile en continu sur les écrans de ses vitres. Le cadrage des images est souvent redoublé par le cadre resserré des vitres de la voiture et le paysage aperçu se superpose aux visions reflétées par le pare-brise et les rétroviseurs. Cette manière d’observer le monde, largement répandue en Amérique du Nord et en particulier au Canada, aura une influence très grande sur plusieurs artistes conceptuels qui feront usage de la photographie pour en rendre compte. La vision, auparavant perçue comme étant transparente, devient le sujet même de leur production.

L’histoire de la photographie recèle également des road runners qui réalisent le relevé des transformations urbaines et sociales qui ont cours en Amérique du Nord. Les photographes s’intéressent en particulier aux non-lieux caractéristiques des paysages américains en portant leur attention sur les lieux de transit (motels, restaurants, stations-service) et les voies de communication (routes, croisements, autoroutes, boulevards). Jean Baudrillard réalise un tel road trip au milieu des années 1980 pendant lequel il documente sa vision de l’Amérique (Montréal y compris) et rédige un livre où il expose les concepts philosophiques qui la déterminent. Cette expérience rend manifeste l’effet de répétition qui caractérise les routes américaines où le même décor semble se déployer à des kilomètres de distance. Une impression comparable est relatée par Vladimir Nabokov dans Lolita : « mettant ainsi en branle la carte des États-Unis, je m’évertuais à la [Lolita] convaincre que nous ne roulions pas au hasard mais vers une destination précise, vers un plaisir exceptionnel […] Nous avalions avec voracité ces longues autoroutes, la voiture glissait dans un silence extasié sur la surface noire et polie telle une piste de danse. » « Mais le mouvement n’apporta aucun progrès. Espoir aride est tout ce qui en restait »4.

À partir des années 1980, les productions d’images sur la route s’animent et le récit prend alors une place dominante. Le film et la vidéo deviennent plus importants ainsi que les structures narratives que ces médiums sous-tendent. Tel est le cas de l’installation vidéo As the Hammer Strikes réalisée en 1982 par John Massey où l’on aperçoit l’artiste converser avec un homme qu’il a pris en auto-stop en direction de Toronto. On entend le son ambiant à l’intérieur de la camionnette ainsi que les discussions entre les deux hommes et, simultanément à cette première projection, deux autres projections montrent dans un montage alterné les pensées probables de chacun des protagonistes. Massey a du mal à comprendre son interlocuteur et les images révèlent alors les contradictions de cette communication. Cette installation inaugure un mode narratif déterminé par le fait que les artistes ou leurs personnages entreprennent des périples qui manifestent des états de présence ou d’absence et, par conséquent, ils nous situent dans des espaces équivoques. Plusieurs artistes empruntent ainsi les circuits routiers afin d’en proposer, parfois de manière critique, autrement de manière humoristique, des expériences inattendues.

1. Jack Kerouac, On the Road, New York, Viking Press, 1957.
2. Samuel Wagstaff Jr., « Talking with Tony Smith », Artforum, vol. 1, n° 4, New York, décembre 1966.
3. Dennis Hopper, Easy Rider, 1969, 95 min.
4. La dernière phrase est une traduction maison de la version anglaise considérant qu’elle n’apparaît pas dans la version française. Vladimir Nabokov, Le don, Lolita, Pnine, Paris, Gallimard, 1991, p. 648.

Journal # 30 - 03.2009

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