VOX — Centre de l’image contemporaine

Vue de l'exposition _Tractatus Logico-Catalogicus_, VOX, 2009. Photo : Michel Brunelle.
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Tractatus Logico-Catalogicus

2008.11.06 - 12.13

KLAUS SCHERÜBEL

À s’occuper d’art, on ne tombe jamais que d’un catalogue à l’autre. – Marcel Broodthaers

Objet de documentation, de recensement, de médiation, de réflexion, de promotion et de valorisation, le catalogue d’exposition joue un rôle déterminant dans le monde de l’art. Il évolue dans l’entourage des œuvres et de leur exposition en leur octroyant une certaine permanence tout en leur assurant une existence publique. Il façonne également la perception actuelle ou future des œuvres par la teneur des commentaires critiques et par la qualité de la documentation et de l’information reproduites. Ainsi, non seulement le catalogue est un médiateur mais il fait autorité dans le système de l’art. Cette exposition, dont le titre est emprunté à une œuvre de Marcel Broodthaers, réunit pour la première fois des propositions d’artistes – de 1954 à aujourd’hui – dont le catalogue est l’objet ou le sujet principal. Leurs propositions développent une réflexion critique sur le catalogue avec l’intention de mettre en question ses formes, ses fonctions et ses usages.

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QUELQUES NOTES EN VUE D’UN CATALOGUE À VENIR

— Inauguration du genre : Yves Klein réalise une première œuvre, Yves Peintures et Haguenault Peintures en 1954, qui parodie le catalogue classique. Ses catalogues comprennent dix planches monochromes introduites par une préface signée Pascal Claude. Les « reproductions » ne renvoient à aucune œuvre originale alors que le texte de la préface est remplacé par des lignes noires. Klein fait appel à l’autorité du catalogue qui légitime les artistes et ceux qui gravitent autour de leur production. « Il dénonce le caractère illusionniste de ce système tout en créant une réalité apparemment conforme à sa norme ». (voir Marion Hohlfeldt, « Yves Klein. L’éloquence du silence »).
— Autres « catalogues » comme œuvre d’art : Ed Ruscha produit au début des années 1960 une série de publications où il assume la fonction d’éditeur et réalise des œuvres sous la forme de publications. Il privilégie un mode de production commercial qui les distingue du livre d’artiste traditionnel généralement précieux et à tirage limité. Voir aussi les livrets d’Hans-Peter Feldmann réalisés dans un mode de production similaire.
— Le catalogue comme espace d’exposition : le commissaire et galeriste Seth Siegelaub renverse aussi la fonction habituelle du catalogue en l’instituant cette fois comme exposition. Son projet est énoncé en introduction au catalogue January 5-31, 1969 : « L’exposition consiste en (les idées communiquées dans) le catalogue; la présence physique (de l’œuvre) est un simple supplément par rapport au catalogue ».
— Critique radicale du catalogue : l’artiste argentin Roberto Jacoby réalise en 1966 le catalogue d’une exposition inexistante. Il souhaitait attirer l’attention sur le « pouvoir illusoire » des catalogues en référence à Barthes qui a fait une étude sur la publicité comme pourvoyeuse de mythes modernes. (voir Mythologies, 1957).
— Critique institutionnelle : voir l’intervention de Jan Dibbets dans le catalogue de l’exposition Information (MoMA, 1970).
— Le catalogue sous forme d’image : Marcel Broodthaers réalise Tractatus Logico-Catalogicus (1972) qui présente l’épreuve d’impression de 12 pages de son catalogue (en négatif et avec les marques de coupe). L’image devient le supplément du catalogue en même temps qu’elle contribue à sa valorisation. Broodthaers y fait la description détaillée de ses œuvres – 67 documents où figurent ratures et corrections –, parodiant l’exhaustivité et le caractère institutionnel des catalogues raisonnés.
— Le catalogue comme référent visuel : Gilles Mahé publie le portrait d’une institution (FRAC Bretagne) à travers sa collection de catalogues. Le projet Library de Brandon Lattu montre également une collection de catalogues et de livres (les siens), mais son approche est différente en ce qu’elle accentue la perception visuelle et empirique produite par leur « lecture » dans une bibliothèque.
— Le catalogue garant de postérité : l’histoire de l’art comme producteur de personnages est le sujet de Pétition de principe (1988) réalisé par Philippe Thomas de l’agence Les ready-made appartiennent à tout le monde. Une affiche exhibe les catalogues de mouvements ou d’artistes célèbres alors qu’un texte y dévoile le programme de l’agence : on vous propose d’apposer votre signature dans un registre pour ainsi être associé à une œuvre et en devenir l’auteur. « N’attendez pas demain pour entrer dans l’histoire ».
— Le catalogue en tant que marchandise : Matthew Higgs rephotographie la couverture d’un catalogue de John Currin en laissant apparentes les traces de sa dévaluation et de son existence temporaire dans le réseau commercial. Discuter également de son œuvre Video Art
— L’image de l’actualité véhiculée par le catalogue : Thérèse Mastroiacovo propose une série de dessins (ART NOW, 2005–) reproduisant les couvertures d’ouvrages où figurent les mots « Art » et « Now ». Point de vue critique sur la valeur autoritaire de ces catalogues et leur prétention à représenter de manière absolue la production artistique contemporaine.
— La fonction promotionnelle du catalogue : Ron Terada expose de manière autoréflexive les modes de financement qui ont contribué à la réalisation de sa monographie.
— Le(s) système(s) de catalogage : dans Werkverzeichnis : 1992-2007, catalogue raisonné et « livre d’artiste » à la fois, Johannes Wohnseifer confie l’organisation de sa création à un programme informatique de bases de données qui devient le commissaire d’exposition.
— L’appropriation du catalogue : discuter de l’usage de la jaquette par les artistes.