Angela Grauerholz
www.atworkandplay
2009.01.10 - 2020.12.31
atworkandplay – le document
ANGELA GRAUERHOLZ
www.atworkandplay est un vaste travail sur les archives conçu spécifiquement pour Internet, inspiré de l’idée d’un palais de mémoire1. Il propose une façon nouvelle de naviguer à l’intérieur d’une archive comprenant plus de 4 000 documents sur l’histoire moderniste, de visualiser, en temps réel, le parcours réalisé et de modéliser un palais de mémoire, à chaque fois unique. Mis en ligne pour la première fois en 2009 et produit en collaboration avec VOX, le site Web a été désactivé lorsque le logiciel d’animation Flash (Adobe) a été retiré du marché. En conséquence, et comme le programmeur du site n’a pas pu retrouver le code source, il n’y avait aucun espoir de récupérer ou de transférer le site vers une autre plateforme.
Bien que les données soient demeurées en ligne et que l’archive soit essentiellement restée intacte, il est désormais impossible de visiter le site. Si de nombreux fonds existent pour la création de nouvelles œuvres numériques, aucun n’est consacré à la préservation et à la sauvegarde d’œuvres antérieures bien documentées et soigneusement construites comme celle-ci. Ce manque de financement pour la conservation des œuvres d’art numériques aura des répercussions à long terme pour les artistes qui réfléchissent et travaillent avec les nouvelles technologies. Une œuvre défectueuse est une œuvre morte, et malgré les avantages indéniables du travail dans le domaine numérique, nous créons et continuerons à créer des œuvres vulnérables, dont la perte ou l’obsolescence est potentiellement inhérente à leur nature.
En cherchant des solutions, l’idée de produire une vidéo documentant une visite du site Web a émergé. Les enregistrements d’anciennes visites du site étaient rares et de piètre qualité, mais nous étions déterminés à produire un document qui puisse donner une idée de l’apparence et de l’expérience de l’œuvre. Au cours de nos nombreuses discussions, nous avons commencé à spéculer sur ce qui se passerait si nous essayions d’ouvrir le site sur un vieil ordinateur. Il se trouvait que je possédais un ancien modèle d’iMac qui n’avait pas été utilisé ni mis à jour depuis plusieurs années, et, contre toute attente, en ouvrant le site, tout fonctionnait parfaitement. Nous avons donc entrepris de documenter de nombreuses visites – longues, courtes, réussies ou non – et grâce à des logiciels plus récents, nous avons pu obtenir de bonnes copies de chacune. Pendant plusieurs semaines, nous avons monté ces visites en une seule vidéo cohérente qui permettait de démontrer – ou pourrait-on dire, de raconter – les nombreuses histoires (chemins) potentielles rassemblées en un long parcours unique.
Ce collage filmique peut être considéré comme la structure architecturale de base du palais de mémoire – un mur extérieur circulaire de l’archive – mais il est aussi conçu comme une machine à mouvement perpétuel que l’on peut imaginer tournant en boucle autour de son périmètre. Les neuf points d’entrée dans le monde intérieur de l’archive servent de dispositifs structuraux pour classifier les champs de connaissance, chacun étant nommé d’après une activité différente (collecter, construire, créer, écrire, ressentir, mourir, penser, vivre, dompter).
À l’intérieur de l’interface souple, une grille de neuf espaces – tour à tour pleins ou vides – guide le parcours du visiteur. Celui-ci choisit librement les images ou les textes qui attirent son attention. Chaque fragment est identifié par un numéro ou un code, et sa légende se dévoile dans le coin supérieur droit de l’écran. Chaque parcours à travers l’archive est visualisé par un dessin qui se déploie dans un carré vert au bas de l’écran. Il indique au visiteur comment progresse son exploration dans le temps et l’espace de celle-ci. À tout moment, il est possible de revenir au collage filmique, d’abandonner l’interface animée et, par le même geste, de réintégrer l’archive par l’un des points d’entrée. À la fin de chaque visite, le visiteur peut choisir de quitter, de recommencer ou de créer son propre palais de mémoire personnalisé. Une structure isométrique, dans laquelle sont intégrées toutes les images et les textes consultés, peut ensuite être revisitée à loisir. On peut rappeler chaque image ou texte en sélectionnant l’un des codes alignés en haut de l’écran ou en cliquant sur les points de la structure architecturale – imitant ce que nous appelons aujourd’hui des « cookies ».
En fait, le traçage des données visitées est devenu beaucoup plus simple aujourd’hui qu’il ne l’était en 2009. L’une de mes principales motivations pour créer cette œuvre était de trouver une architecture qui reflète l’idée d’un palais de mémoire tout en servant de modèle à Internet : un moyen de comprendre comment nous faisons de la recherche, comment notre esprit nous guide vers de nouvelles découvertes, tout en classant nos expériences. [2024]
www.atworkandplay n’est plus accessible depuis 2021 en raison de l’obsolescence de Flash Player, qui n’est plus supporté par les navigateurs. En 2024, Angela Grauerholz a créé un document filmique pour garder une trace de l’œuvre Web. Consulter le site Web de l’artiste
atworkandplay – une expérimentation Web
VINCENT BONIN
Dans les années 1980, le travail d’Angela Grauerholz procède du déplacement subtil d’un répertoire de lieux communs de la culture visuelle moderne. Le brouillage des codes par l’acte photographique représente alors une tentative de mettre en sursis leur obsolescence. Avec Eglogue or Filling the Landscape (1995) et Sententia I to LXII (1996), ces loci sont appréhendés selon l’économie du document et le système des archives. Cette dernière installation marque la fin d’un cycle tout en annonçant la pratique récente de l’artiste, où se traduit un autre processus intellectuel afférent à l’organisation spatiale d’artefacts. Laissant momentanément de côté l’image fabriquée, Grauerholz intercepte désormais des matériaux documentaires hétérogènes (pages de catalogues d’exposition, articles de magazines, fragments de texte, manuscrits, etc.) qu’elle fait ensuite transiter vers l’espace imparti aux œuvres.

Avec Salle de lecture de l’artiste au travail (2003-2004)2, elle façonne douze volumes servant de réceptacle à ce corpus. Chacun d’entre eux renferme une ou plusieurs rubriques thématiques sous lesquelles Grauerholz regroupe des objets contigus. Loin de reproduire des catégories encyclopédiques, ces rubriques dérivent d’une cartographie subjective de l’ensemble des documents accumulés. Lire la suite
Ce projet est une production de VOX réalisée en collaboration avec Sylvain Allard, concepteur graphique et Clenche Inc. grâce au soutien financier du Conseil des arts du Canada ainsi que du Fonds Hexagram.
