Time as Activity (*)
2009.12.09 - 07.11
Si la ‘documentation’ est un des paradigmes qui a servi de fondement à l’art conceptuel, on s’est encore peu intéressé à la ‘description’, pourtant inhérente aux œuvres de plusieurs artistes conceptuels des années 1960 et 1970. Bien que les œuvres de cette période historique s’offrent généralement comme le témoignage d’une action ou d’une idée, il n’en demeure pas moins qu’elles comportent souvent des contenus descriptifs d’un genre particulier : elles montrent l’être-là-des-choses, dans toute son étendue et dans ses moindres détails.
Le titre de l’exposition est emprunté à David Lamelas qui réalise, dès 1969, la première version de Time as Activity, une installation dont le film montre trois séquences de temps captées à Dusseldorf, sous la forme d’un hyperréalisme du banal: What happens on screen has no aesthetic meaning whatsoever. The film only shows time in the city where the exhibition Prospect is taking place. Twelve minutes were chosen out of twenty-four hours of the city’s routine activity. Routine is made up of a series of actions that occur simultaneously, conditioned by the city’s boundaries (David Lamelas, 2006). L’artiste cherche ainsi à saisir un temps sans décision, littéralement transformé en sujet d’observation et de réflexion.
Cette manière d’observer le réel s’apparente à une exploration de Georges Pérec qui, au mois d’octobre 1974, s’installe trois jours consécutifs sur la place Saint-Sulpice à Paris et note tout ce qu’il aperçoit, sous le titre Tentative d’épuisement d’un lieu parisien. En introduction, il écrit : Mon propos (…) a été de décrire (…) ce que l’on ne note généralement pas, ce qui ne se remarque pas, ce qui n’a pas d’importance : ce qui se passe quand il ne se passe rien. Lorsque la description s’inscrit dans la durée et dispose ainsi les instants sur une ligne continue, elle ‘épuise’ le récit. Car l’enjeu de ces descriptions n’est pas de témoigner d’une réalité extérieure ou de montrer un monde achevé, mais bien de participer à une création, d’inventer l’œuvre – et le monde – et d’apprendre ainsi à inventer sa propre vie (Georges Pérec, 1975).
Ceci permet de jeter un éclairage nouveau sur plusieurs pratiques conceptuelles – notamment celles de David Lamelas, Bill Vazan, John Baldessari, Rober Racine, Ian Wallace ou Rodney Graham – lesquelles partagent une même attitude descriptive. Ces pratiques constituent le volet historique de l’exposition, qui confronte les enjeux soulevés par cette modalité descriptive avec des projets d’artistes actuels, notamment les œuvres de Hans Bryssinck et Diederik Peeters, d’Etienne Chambaud, de Nelson Henricks, de Chris Lloyd, de Kelly Mark et de Claire Savoie. Leur temporalité ne relève pas du temps condensé, voire narratif, mais bien d’une étendue propre au temps linéaire, donnant ainsi l’impression que c’est là, c’est du présent. Time as Activity regroupe des œuvres qui décrivent et rendent manifeste le temps qui passe, le temps qui dure, le temps comme activité.