Klaus Scherübel
Créer à rebours vers l’exposition
Le cas des expositions automatistes
2019.05.15 - 07.13
MARIE J. JEAN
Ayant adopté différents rôles tout au long de sa carrière – artiste au travail, éditeur, commanditaire, producteur d’un sitcom ou d’une pièce de théâtre –, Klaus Scherübel examine, dans son travail artistique, le contexte et l’histoire élargie de la culture. VOX lui confie cette fois la fonction de « conservateur ». Sa tâche consiste à réactiver une exposition à la fois mythique et fondatrice de la modernité québécoise : la seconde exposition des automatistes (1947). Cette « réactivation artistique » constitue le sixième volet du projet de recherche sur la pratique, l’histoire, le devenir des expositions et leur documentation, Créer à rebours vers l’exposition, qu’a entrepris le centre en 2016.
Depuis plus de soixante-dix ans, la seconde exposition des automatistes a été largement étudiée, dans les monographies et les anthologies, jusqu’à être aujourd’hui considérée comme un événement historique légendaire. Or, ces ouvrages, tout comme les catalogues d’exposition, façonnent notre perception des oeuvres et orientent notre façon d’appréhender leur contexte d’apparition, que ce soit par la teneur des commentaires critiques ou par la qualité des documents visuels qu’ils contiennent. En général, avant les années 1980, les catalogues d’exposition étaient simplement constitués de reproductions d’oeuvres. Ils ne montraient que très rarement le contexte dans lequel ces dernières avaient été présentées. Pourtant, dans les publications où l’on mentionne la seconde exposition des automatistes, une reproduction photographique accompagne souvent les propos formulés. Elle montre des oeuvres et, en arrière-plan, Paul-Émile Borduas et Madeleine Arbour, visibles dans l’embrasure d’une porte. Au fil du temps, cette photographie s’est progressivement superposée à notre conception de cette exposition jusqu’à devenir sa référence visuelle ultime. Cherchant à faire travailler le temps « à rebours » et à réactualiser le passé en partant du présent, Klaus Scherübel utilise cette image comme outil conceptuel : il reconstitue, en trois dimensions, cette photographie en noir et blanc qu’a captée Maurice Perron dans des circonstances devenues historiques. Par cette déroutante opération, l’image, qui était d’abord reproduite dans l’« espace du livre », s’insinue dans l’espace de la galerie et acquiert, à travers cet effet de basculement, la forme d’une exposition.
Cette exposition bénéficie du soutien financier de la Chancellerie fédérale d’Autriche et du Conseil des arts et des lettres du Québec. VOX tient également à remercier pour leur précieuse contribution le Musée national des beaux-arts du Québec et le Musée d’art contemporain de Montréal. L’utilisation des œuvres de Maurice Perron est possible grâce à l’aimable permission de Line-Sylvie Perron.